sur les banlieues

Publié le par secrétariat

De la crise sociale des banlieues à la révolte…

La CGT a voulu cette rencontre du 15 novembre sur la « crise sociale des banlieues » pour débattre des événements survenus il y a un an, mais aussi pour réaffirmer la place du syndicalisme au cœur de ces enjeux sociaux. Ces quartiers, créés pour répondre aux besoins de main d’œuvre du patronat durant les années 60/70 ont été abandonnés parallèlement aux restructurations des entreprises. Le Medef ne peut pas s’exonérer de sa responsabilité : La casse de secteurs industriels entiers, les plans sociaux, les délocalisations ont créé ces poches de chômage et le patronat en profite encore avec la création des zones franches, où il bénéficie de suppressions de charges salariales,sans embaucher pour autant des habitants des quartiers d’implantation. Cette crise n’est pas une crise de toutes les banlieues. Elle n’a concerné qu’une partie des quartiers qui cumulent les handicaps sociaux : Il y a eu des provocations, de la part du ministre de l'intérieur qui n'ont fait qu'amplifier les phénomènes d'imitation chez certains jeunes et une surenchère ! Mais quelle est la part de ces phénomènes ? Souvenons nous que la St Sylvestre à Strasbourg est devenue un rendez-vous médiatique…Alors pourquoi certaines cités sont-elles restées calmes? Quelle différence de tissu social ? Quelle mobilisation citoyenne ? quelles politiques locales peuvent expliquer que l’une brûle et l’autre pas… Nous réaffirmons d’abord le droit inaliénable à la sécurité pour toute personne vivant sur le territoire français. Mais, notre conception de la sécurité n’est pas celle du tout sécuritaire prônée par le gouvernement. Cette politique copiée sur le modèle des USA est un moyen de protéger les intérêts des plus riches et de défendre le libéralisme économique. Cette politique sécuritaire renvoie à une idéologie qui nie les facteurs socio économiques où seuls les individus seraient responsables de leurs difficultés sociales : ainsi, les chômeurs seraient chômeurs par choix. Pourquoi veut-on réduire la politique de la ville à la seule police municipale et à quelques instances formelles comme les Conseils locaux de sécurité et de prévention de la délinquance ? Plus de police, plus de contrôle, plus de vidéosurveillance ne résoudront pas une crise qui est sociale avant tout. Ce sécuritaire est un outil au service du libéralisme : il justifie l’abandon de politiques publiques. Il vise à protéger les actionnaires et à étouffer toute volonté de lutte collective : L’insécurité pour le Medef c’est la riposte unie des travailleurs, c’est pourquoi le pouvoir veut criminaliser certaines actions syndicales. A la CGT, notre conception de la sécurité est globale, elle se veut collective : c’est certes, la sécurité des biens et des personnes, mais c’est aussi la sécurité sociale, la sécurité au travail, la sécurité de l’emploi, un parcours professionnel sécurisé qui ouvre le droit à une retraite décente, à un logement décent, à l’éducation à la formation et à la santé. Tout ces Droits doivent s'inscrire dans des garanties collectives et non par des assurances individuelles. Or, les quartiers qui ont explosé, et d’autres qui risquent d'exploser demain si l’on ne fait rien, cumulent des handicaps connus : habitat dégradé, quartiers excentrés, mal desservis par les transports en commun avec des taux de chômage élevé, notamment celui des jeunes, des chômeurs en fin de droits, des « bénéficiaires » (notez le terme !) de minima sociaux. Ces quartiers sont des lieux où sont relégués les plus pauvres, les plus fragiles et les plus précaires. Les chiffres parlent : en 2004, 40% des filles de 15 à 25 ans et plus de 20% des jeunes des zones urbaines sensibles étaient au chômage, c’est le double de la moyenne nationale, 10500 euros de revenu fiscal moyen contre 17200 euros en moyenne nationale. On y retrouve donc, non seulement des travailleurs immigrés, mais aussi des travailleurs pauvres, des familles monoparentales, des retraités survivant du minimum vieillesse ou des jeunes obligés de rester chez leurs parents parce qu’ils n’ont pas de travail et trop souvent pas de qualification : 7% des élèves de ces cités ont 2 ans ou plus de retard en 6e alors qu’ils ne sont que 3% dans le reste du pays. C’est là aussi que l’on retrouve ces jeunes qui sortent de l’école sans qualification. Aux jeunes, il n’est offert que des "stages parking" ou des petits boulots lorsqu’ils arrivent à les décrocher malgré la consonance de leur nom ou de celle du quartier! D’échec scolaire en échec social, on prend en grippe toute la société et l’on cultive la débrouille individuelle. On ne peut pas réduire la politique de la ville a de l’urbanisme ou au bénévolat associatif. Avoir un véritable emploi, est au cœur des préoccupations et des demandes : c’est le point de départ de la prise en compte réelle de cette crise sociale. Affirmons-le ces quartiers ne sont cependant pas des ghettos, les Tarterêts ou les 4000 n’ont rien à voir avec le « southside » de Chicago. Par leur taille d’abord et surtout parce qu’il n’y a pas une population homogène comme par exemple les « noirs-pauvres » des ghettos US… Dans ces cités co-existent des personnes d’origines culturelles et ethniques différentes, seuls des facteurs sociaux-économiques les rassemblent . Ces femmes et ces hommes se nomment eux même : « précaires, stagiaires, déclassés, discriminés, accidentés, démotivés, délocalisés, intermittents de l’emploi, pressurés, sous-traités ! » Face à cette souffrance sociale nous devons construire des propositions collectives… Ces quartiers ne sont pas des cités interdites, on y trouve des écoles, des commerces, des médecins, des facteurs, des agents municipaux et des gaziers, des électriciens, des services sociaux, des administrations (hélas pas toujours en nombre suffisant)...On y entre et on en sort, même s’il est plus facile d’y entrer que de s’en sortir ! L’une des raisons de ces accès de fièvres, n’est ce pas le manque d’avenir ? Et là toutes les agglomérations sont concernées, la révolte contre la pauvreté, même dans des formes extrèmes, n’est pas seulement francilienne… -Le désespoir des parents qui se sont saignés pour que leurs enfants fassent des études et les voir à bac plus 4 ou 5 sans un travail à la hauteur de leur qualification ou sans travail du tout. Ils avaient cru à l’ascenseur social, mais il ne monte plus ! - La concentration de difficultés lourdes et multiples nécessitent des leviers différents et cohérents qui doivent s’installer dans le temps. Quelle mémoire gardons nous des expériences qui ont fonctionné ou qui fonctionnent encore ? N’est ce pas aussi notre rôle de les rassembler et de les valoriser ? N’ayons pas lé mémoire courte… On peut critiquer la politique de la ville, le manque de lisibilité des résultats : soyons clairs, une politique de prévention ne se réduit pas à des indicateurs comptables… La valeur d’un tissu social ou associatif dépend aussi des moyens qui sont attribués dans la durée. Une avenir ça se construit, ça ne se décrète pas ! Si la police est prise à partie, c’est aussi parce qu’elle a déserté ces quartiers : Au nom de la rentabilité on a fermé les postes de police. Le pouvoir a abandonné une politique de proximité au profit du tout répressif : un escadron de CRS c’est plus médiatique que des policiers de proximité et c’est moins cher ! Mais il en ont assez, les jeunes de devoir présenter 10 fois par jour leurs papiers à des policiers qui connaissent leur prénom… La sur-médiatisation des évènements actuels est liée à des facteurs externes comme des élections professionnelles dans la police, voire des échéances politiques dont certains pourraient se servir en agitant la peur. Cela fait des semaines que le moindre incident est monté en épingle et comme les opérations anti-flic n’ont pas eu l’écho souhaité, les transports deviennent l’objet de la machine à faire peur ! Ne nous laissons pas abuser, le sentiment d’insécurité, on le fabrique avec des images chocs et des discours musclés. Nous savons que ce sentiment irraisonné est plus important à Neuilly/Seine qu’au Val fourré ! Notre conception du syndicalisme c’est l’action collective : nous devons collectivement prendre en compte ces réalités et agir ensemble au delà de nos appartenances respectives. Pour cela, nous pouvons nous appuyer sur les forces de la CGT : - nos camarades privés d’emplois ont à dire leur expérience, leur vécu : ils nous aiderons à construire une intervention en direction des précaires et des exclus. - les jeunes de la CGT, ont sans doute des idées pour contribuer à une force collective capable de s’adresser aux jeunes et à leurs familles, en intégrant les préoccupations du moment ou des lieux concernés - Pourquoi ne pas faire des U.L. des lieux de construction de revendications au plus proche du terrain ? - Pourquoi ne pas coordonner nos réseaux, nos carnets d’adresses pour reconstruire un espoir ?… Notre esprit de conquête, nous devons aussi le faire vivre dans les banlieues : affirmons que la pauvreté et l’exclusion ne sont pas une fatalité et la peur n’est qu’un instrument de division. Travailler à dépasser le sentiment d’exclusion pour arriver à poser des revendications, c’est le chantier à ouvrir… Faire le bilan… ce sera constater que rien n’a changé depuis 1 an…Que le danger s’aggrave encore avec la loi dite de prévention de la délinquance de Sarkozy qui s’en prend aussi aux libertés fondamentales que tous les parents, tous les citoyens employés ou sans emplois, tous les militants associatifs syndicaux sont concernés : C’est pourquoi la CGT sera dans la rue Samedi prochain 18 novembre pour manifester contre cette loi qui est un projet de société autoritaire qui stigmatise encore plus la jeunesse : Il y a un an, la justice a condamné des boucs émissaires, d’autres l’ont été suite à la lutte contre le CPE. Il faut arrêter de criminaliser la jeunesse, elle n'est pas un danger, elle est une richesse, elle est notre avenir, ne la désespérons pas. Il y a 30 ans, il ne fallait pas désespérer les ouvriers de Renault Billancourt, aujourd’hui, il ne faudrait pas désespérer Clichy/Bois. Or c’est aussi parce qu’on a fermé Billancourt que l’on désespère Clichy… Ce ne serait qu’une formule si le risque pour demain n’était pas une situation à la brésilienne : Fission sociale, aggravation des inégalités et insécurité violente. La citoyenneté ne se divise pas, les mots d’égalité et de fraternité gardent encore un sens… à nous de les faire vivre ! Il ne peut pas y avoir d’exclus de l’action syndicale !

Montreuil le 15 novembre 2006

Publié dans cgtpjj

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